Etienne JEAURAT1699-1789 attribué à "Les Lunettes" huile sur toile, cadre bois doré mouluré d'époque 60x52.
cette peinture illustre l’un des célèbres contes grivois écrits par Jean de la Fontaine, et publiés entre 1665 et 1674.
Moins connu pour ses contes que pour ses Fables, Jean de la Fontaine n’en est pas moins un talentueux conteur.
Il réalise la prouesse de parler crûment de sexualité sans en avoir l’air.
En ne nommant rien explicitement, il provoque la complicité du lecteur, qui, mettant de côté son innocence, comprend aisément ce que l’auteur cherche à lui dire.
Les lunettes, donc, nous conte l’histoire d’un jeune homme encore imberbe, qui s’introduit dans un couvent, déguisé en religieuse. Neuf mois ayant passé, il fallut délivrer l’une des sœurs d’une grossesse inexpliquée, et l’on chercha dès lors le coupable.
La mère supérieure, lunettes sur le nez Pour ne juger du cas légèrement , fait déshabiller ces demoiselles, afin de voir si parmi elles, ne se cache un imposteur. Afin de préserver les esprits innocents, et de respecter leur pudeur, on ordonne aux jeunes femmes d’aplatir sur leur sexe un carré de tissu noué en pagne. Après avoir tout fait pour bien cacher sa protubérance illégitime, Sœur Jouvenceau se laisse séduire par tant de charmantes formes rondes à ses côtés.
C’est alors que l’on peut lire les édifiants vers suivants, illustrés par notre tableau :
Fermes tétons, et semblables ressorts
Eurent bientôt fait jouer la machine.
Elle échappa, rompit le fil d’un coup,
Comme un coursier qui romprait son licou,
Et sauta droit au nez de la prieure,
Faisant voler lunettes tout à l’heure
Jusqu’au plancher.
Il s’en fallut bien peu
Que l’on ne vît tomber la lunetière.
Le jouvenceau finit attaché à un arbre, dans le but d’être passé à tabac par la horde de ses fausses congénères en colère. Chanceux et malin, il modifia significativement le récit de ses aventures alors qu’un meunier vint à passer ; et voilà qu’il échappa subtilement à son dessein funeste, laissant le pauvre meunier essuyer les déboires de sa mauvaise conduite.
Nous sommes ici bien loin de la morale des Fables de notre ami Jean de la Fontaine. Déplaisant fortement à la société puritaine et bien pensante de l’époque, ces contes restèrent d’ailleurs dans l’ombre, mais firent le délice des peintres et graveurs des XVIIème et XVIIIème siècles tel qu’Etienne Jeaurat.